Reprenez le pouvoir de votre cerveau
Quand on perd le contrôle de soi…
Fin d’après midi difficile pour Jean. Entouré de ses collègues, il défend un nouveau projet d’investissement face au Directeur Général et au Directeur Financier. Ce dernier est contre ce projet qu’il juge excessif et hasardeux. A court d’arguments, Jean perd du terrain. Il se lève et gesticule. Transpirant, le cœur battant plus vite, il parle plus fort, remplit le paper-board de graphiques mais le Directeur Financier l’interrompt d’une voix ferme et sans appel : « Jean, ça suffit. Votre projet ne tient pas la route. Le dossier est clos ». Stupéfait, Jean marque un temps de silence, interroge du regard le Directeur Général qui lui répond que non, le projet ne se fera pas. Dépité, Jean se rassoie lentement, marmonnant « Ok, on fera comme vous voulez »
Ce soir, Jean discute avec Anne. Le sujet : ou passer les prochaines vacances ? Il veut louer un petit chalet isolé en pleine montagne pour faire de la randonnée et retrouver le goût d’une vie plus « authentique ». Anne veut des « vraies » vacances : repos absolu, farniente au bord de la mer dans un village de vacances, discussions alanguies le soir avec des amis.
L’atmosphère se tend. Jean contre-argumente avec plus de véhémence, mais Anne lui coupe à nouveau la parole, le visage crispé. Le ton monte, cela devient cacophonique et soudain Jean crie : « Tu te tais ! On va à la montagne, il n’y a plus à discuter ! » et affirme son propos par un magistral coup de poing sur la table.
Sous l’influence de nos hormones
Que s’est il donc passé pour Jean ? Il est connu pour son calme, sa courtoise, son sens de la discussion. Eh bien, dans ces deux situations, il est « sorti de lui-même ». Il a comme perdu le contrôle de son cerveau, un peu comme un logiciel ne répond plus quand un virus est entré dans l’ordinateur. Nous sommes très nombreux à avoir connu ce genre de réaction. La neurochimie donne une explication.
En effet, en situation de stress important ou de peur intense, nous déclenchons d’abord l’adrénaline que nous connaissons bien. Cette hormone est sécrétée pour répondre à un état de stress demandant un surcroît d’énergie pour parer à un danger. Ses effets physiques se caractérisent notamment par une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la pression artérielle, une dilatation des bronches et des pupilles.
Peu après, une autre hormone se répand dans le cerveau. C’est le cortisol dont les récepteurs se trouvent disséminés dans tout le corps, dont le cerveau. Il est aussi un neurotransmetteur, c’est-à-dire un composé chimique libéré par les neurones et agissant sur d’autres neurones. Son rôle : interagir avec les cellules de l’organisme et leur dire quoi faire.
Après l’adrénaline, le cortisol prend la direction des opérations. C’est lui qui se met alors à tout diriger. Le but est toujours le même : que l’organisme réagisse au danger. Pour cela, toute l’énergie contenue dans les sucres est mobilisée pour être expédiée à certains endroits précis. C’est pourquoi on a parfois une force phénoménale à un instant donné ou bien un réflexe « incroyable » lorsque risque de survenir un accident de la route. Prenons un exemple : vous êtes agressé dans la rue et devez vous enfuir au plus vite. Le cortisol envoie alors toute l’énergie nécessaire pour alimenter les muscles de vos jambes. La priorité est donnée aux récepteurs situés dans ces muscles, quitte à ce que d’autres organes soient momentanément privés d’énergie.
En effet, pour que son efficacité soit au top, certains organes s’arrêtent momentanément (par exemple ceux liés aux fonctions digestives ou à la régulation de la tension artérielle).
Il est très intéressant de remarquer qu’au niveau neurologique, d’autres fonctions sont également bloquées, notamment celles liées à la réflexion, à l’analyse, à la prudence. Aussi, quand ces hormones se libèrent brutalement, elles donnent le sentiment de perdre la maîtrise des événements. Comme Jean qui est « sorti de lui-même ».
Pour assurer notre sécurité, ces hormones prennent les commandes. Vous croyez vous contrôler avec votre sens de la décision ? Eh bien non ! Pour être encore plus précis, sachons que le contrôle est alors assuré par l’amygdale. Véritable système d’alerte, l’amygdale a une fonction essentielle : détecter ce qui pourrait être menaçants pour l’organisme. Elle donne alors des réponses comportementales et végétatives en cas de peur ou d’anxiété. C’est ainsi que la vue d’un événement inquiétant ou d’une situation pouvant être dangereuse active l’amygdale (du cerveau). C’est la fameuse illustration du promeneur qui, voyant un bâton sur le chemin, croit qu’il s’agit d’un serpent. L’amygdale remplit aussitôt son rôle de survie : elle nous fait prendre le bâton pour un serpent pour agir en sécurité et élimine le risque que nous prenions le serpent pour un bâton, ce qui serait un peu plus fâcheux !
Entre sécurité et maîtrise
L’avantage de toutes ces substances chimiques produites par le corps, c’est qu’elles nous protègent. Notre sécurité est activée. Dans le cas de Jean, elles le protègent contre la honte et la perte de crédibilité vis à à vis de son patron ou lui permet d’ « asseoir son autorité » avec Anne.
L’inconvénient, c’est que d’autres fonctions deviennent plus difficiles voire impossibles. Par exemple, la régulation des émotions, l’appréhension de la réalité présente, la gestion des différences entre nos désirs et ce qui est. Or, quand on n’arrive plus à gérer nos émotions, nous perdons le contrôle de nous-mêmes.
Il faut savoir que face à un danger, dans le cadre d’une confrontation dure ou d’un stress puissant, nous ne pouvons opter qu’entre l’une de ces 3 solutions : la contre-attaque (on continue le combat avec l’envie de gagner), la soumission (on s’en remet à ce qui est, à la décision de l’autre) ou la fuite (on se tait, on abandonne le combat ou …on quitte les lieux !).
Là encore, il y a un avantage dans ces réactions puisque chacune nous protège. Mais leur inconvénient majeur est de nous empêcher de mener une discussion adulte d’échange et de partage d’informations. C’est exactement ce qu’a vécu Jean dans son entreprise où il a choisi la soumission (2ème option), faute d’avoir été suffisamment maître de lui pour argumenter posément et rationnellement et infléchir peut être la décision de son directeur (lequel a, quant à lui, décider le combat (1ère option) que son statut hiérarchique lui imposait de choisir et…de remporter facilement. Concernant le lieu de vacances, Jean a opté pour la contre-attaque (1ère option) tandis que Anne a pris la fuite (3ème option). Se disputer ainsi alors que l’on doit choisir un lieu de détente et d’agrément, avouez que c’est paradoxal ! Et pourtant….
Et pourtant, nous fonctionnons bien souvent ainsi et le réflexe de la 1ère option, la contre-attaque, est de loin le plus utilisé, notamment dans le monde de l’entreprise (ou même de la politique). Tant pis si cela esquinte nos relations avec les autres, tant pis si on nous dit que nous vivons une inflation de notre égo car la chimie du cerveau a encore opéré.
En effet, que se passe-t-il quand au terme d’une discussion, parfois acharnée, vous gagnez enfin et emportez la décision ? Eh bien, votre cerveau a de nouveau été envahi par des hormones sans que vous ne le sachiez. De l’adrénaline bien sûr mais aussi de la dopamine, cette fameuse hormone du bien-être qui donne des sensations de plaisir, de force, voire de supériorité.
Les deux conjuguées, vous voici en vraie situation de domination et c’est si agréable que vous allez avoir envie de revivre plusieurs fois cette sensation sans que ne sachiez vraiment pourquoi. A chaque nouvelle discussion, vous allez vous mettre en situation de combat pour l’emporter à nouveau. Certains en deviennent complètement accrocs. Comme une addiction au plaisir d’avoir raison qui se renforcera ainsi : j’ai raison d’avoir raison. Cela peut devenir jouissif mais n’en est pas moins dangereux, ne serait-ce que dans l’équilibre et la qualité de nos relations. Surtout si, pour assurer son triomphe, on en vient à manipuler les arguments et à faire jouer le règne de la terreur. Certaines personnes (pas toutes !) présentées comme des grands débatteurs sont aussi des grands manipulateurs. Observez certains débats politiques : ils sont très éclairant à cet égard….
En entreprise mais aussi dans nos vies privées, de tels comportements peuvent être destructeurs. Tout système de collaboration, de coopération, de cohésion est mis à mal, voire rendu impossible. Car on met alors ses collaborateurs (ou ses amis ou conjoint) en situation de réagir sur l’un des 3 modes de réaction : contre-attaque, soumission ou fuite. Au plaisir d’avoir raison ou d’écraser les autres, on perd le plaisir d’une relation intelligente et constructive. Au bout d’un moment, on finit par être perdant (et très solitaire) sans compter que l’on va pousser l’autre à dissimuler ce qui pourrait déplaire. Certaines réunions en entreprise sont hélas un exemple tragique de ces collaborateurs soumis et dissimulant au mieux leurs erreurs face à un chef « cassant » tandis que d’autres collaborateurs forment un ensemble de courtisans flagorneurs et tout autant dissimulateurs.
Retrouver des relations harmonieuses
Sommes-nous donc les victimes impuissantes de ces hormones et condamnés à leur obéir sans même le savoir ?
Non car d’une part comprendre comment fonctionnent adrénaline et cortisol permet de prendre conscience qu’à un moment donné, nous perdons le contrôle. C’est une première étape pour essayer de « rectifier le tir ». Dans certaines situations, cette prise de conscience vous fait réagir avec un discours interne du genre : « Hola ! Je deviens esclave de mes hormones ! Stop ! Je me calme, je respire un grand coup et je reprend le débat en personne adulte et responsable ». Essayez la prochaine fois que vous vous emporterez et voyez ce qui se passe.
D’autre part, nous avons à notre disposition une autre hormone qui nous donne une même qualité de plaisir : l’ocytocine. Certains l’on surnommée « l’hormone de l’amour ». Pourquoi ? Parce qu’elle favorise les interactions sociales permettant de développer la coopération, l’altruisme, l’empathie, l’attachement, l’état de confiance vis-à-vis d’autrui. Grâce à elle, l’agressivité diminue et la sociabilité augmente.
Si les composants négatifs de l’adrénaline et du cortisol (n’oublions pas qu’ils sont aussi positifs en garantissant notre sécurité) sont notamment le stress et l’agressivité, l’ocytocine produite également par notre organisme gouverne des comportements et sensations d’une immense importance : détente, récupération, calme, relaxation, capacité à s’attacher et à aimer, capacité à faire confiance et à nous ouvrir aux opinions des autres. Grâce à elle, nous pouvons établir et maintenir des liens hautement qualitatifs.
Pour l’avoir expérimenté, nous savons que des caresses, un bon repas, un massage ou une soirée entre amis favorisent détente et bien-être. C’est que la proximité avec d’autres êtres humains que nous apprécions déclenche la production de l’ocytocine. Le bonheur d’être ensemble vient de là. La proximité, le contact physique, voire l’acte d’amour, augmente notre production d’ocytocine. C’est peut être pour cette raison que les Beatles chantaient dans les années 60 « All you need is love » !
N’oublions pas non plus les endorphines, produites aussi par le cerveau et aux effets similaires à celui de la morphine. Elles interviennent quand nous faisons du sport par exemple mais aussi quand nous rions. Essayez d’inclure un instant de rire dans une réunion et chacun se détendra.
Sachant cela, il devient alors intéressant, dans votre fonction de leader, de chercher à éviter les pics trop important de cortisol et d’adrénaline et de stimuler plutôt votre production d’ocytocine qui active en plus les zones de décision dans votre cerveau rationnel. Vous pouvez être leader dans votre entreprise, votre métier mais aussi dans votre famille. Et, en stimulant votre propre production d’ocytocine, vous stimulez aussi celle des personnes qui vous entourent. Tout le monde est ainsi gagnant ! Vous vous éloignez de l’addiction évoquée ci-dessus du « j’ai toujours raison ».
7 techniques pour retrouver Harmonie et Leadership
Comment faire ? Voici 7 « techniques » simples et aux effets grandement bénéfiques.
- Ecoutez soigneusement : apprenez petit à petit à parler moins et à écouter plus.En permettant aux autres de s’exprimer et en évitant d’interrompre, nous seulement vous faites preuve de respect des opinions différentes des vôtres, mais de plus vous apprenez à mieux connaitre votre interlocuteur et son point de vue. Pour prendre une décision, cela peut être primordial. Et en plus, vous diminuez ou annulez la production de cortisol.Ainsi, au lieu de créer une spirale de confrontation virulente (ou violente), vous créez un cercle vertueux plus harmonieux pour chacun et plus bénéfique pour décider. En effet, agissant ainsi avec les autres, vous les incitez à faire de même avec vous, et à défaut, vous avez un bon argument de demander la réciprocité. Cela vaut aussi si vous êtes en couple. Imaginez la discussion entre Jean et Anne si ce principe avait été appliqué par chacun.
- Intéressez vous sincèrement à l’autre : quand quelqu’un parle, écoutez-le !C’est le pendant du principe précédent mais il est primordial. L’adverbe sincèrement est essentiel. Quand quelqu’un parle, regardez-le. Même si votre portable indique que vous avez reçu un nouveau message ! Même si son opinion est contraire à la votre. C’est son droit de l’avoir et de l’exprimer comme c’est votre droit d’avoir une autre opinion. Il ne vous est pas demandé de partager et d’approuver la sienne mais de l’écouter tout comme vous lui demandez de vous écouter vous aussi. Cela n’est pas un obstacle pour que ce soit Vous qui décidiez à la fin en tant que leader mais au moins, chacun aura été écouté et entendu.
- Faites parler chacun : essayez, dans la mesure du possible, de prévoir un temps de parole équitable pour que chacun puisse donner son opinion. Cela valorise tous les membres de la réunion, et de plus, cela vous informe précieusement sur la pensée de chacun.Quand des personnes ont des idées spécifiques ou des informations intéressantes, notez les sur un paper-board et mentionnez aussi le nom de celui ou de celle qui a délivré le message. Là aussi, vous valorisez chacun et renforcez donc la coopération. De plus, ce qui est important est de ce fait gardé en mémoire. Même dans une réunion à 2 ou 3, cela est important ; chacun exprimant son point de vue, il sera plus aisé de prendre une décision finale en pleine connaissance de cause, sans compter que chaque point de vue peut s’améliorer grâce aux autres.
- Soyez clair et compréhensible sur le fonctionnement de la réunion : avant de débuter une réunion – surtout si vous pressentez qu’elle peut être tendue – commencez par mentionner (et par inscrire s’il le faut sur un paper-board visible de chacun) les règles de communication en 3 ou 4 principes simples mais impératifs.Par exemple, temps de parole pour chaque intervenant avec demande de précision et de concision ; ne pas interrompre celui ou celle qui parle avant la fin de son intervention ; quelle règle commune mettre en place en cas d’échanges trop virulents, etc. Demandez ensuite à chaque personne du groupe si cela lui convient puis démarrez. Cette demande de validation, parfois oubliée, est capitale en cas de « dérapage » : la rappeler permet souvent de stopper un affrontement devenu trop virulent et de revenir à un échange constructif (sauf si le cortisol a envahi le cerveau d’un participant à la manière d’un tsunami !).Ce n’est certes pas un remède miracle mais cela a le mérite de rendre une réunion plus harmonieuse, plus confiante et finalement plus productive. Là aussi, en couple, le même fonctionnement peut être appliqué. Il sera simplement énoncé verbalement et il peut être décidé que l’un des deux fasse un geste convenu d’avance si la discussion dérape.
- Incluez des amortisseurs : Dans tous les cas, n’oubliez pas l’impact des « amortisseurs ».Ce sont des phrases du style « De mon point de vue, je pense que… » ou « Je verrais plutôt les choses de cette manière » ou bien « Ce que je comprends, c’est que…. ». Vous exprimez là VOTRE manière de voir.C’est mieux que « Tu as tort parce que .. » ou « Tu dis vraiment n’importe quoi ! » ou bien « Tu ne comprends rien ! ». En répondant ainsi, vous êtes dans le jugement accusateur, toujours mal perçu.En plus, au lieu d’être seulement axé sur son propre et unique point de vue à exposer (ou imposer ?), on découvre comment l’autre voit la situation. Cela peut être enrichissant et, au lieu d’aller vers la domination (ou la soumission), on favorise là aussi la coopération.
- Réservez votre opinion pour la fin : cela vaut surtout pour une réunion de travail. Vous gagnerez en force si vous exposez votre propre point de vue une fois que tout le monde a fini son intervention. Vous serez davantage écouté dès lors que vous aurez écouté tout le monde et, comme très souvent, c’est le dernier point de vue exprimé qui marque le plus les esprits, vous aurez là un avantage tactique. D’autant plus que vous aurez eu connaissance de toutes les éventuelles objections et pourrez donc y apporter une réponse appropriée.
- N’oubliez pas de rire : Enfin, détendez l’atmosphère par une petite production d’endorphine. Pas de blague graveleuse ni de concours de « j’en connais une qui … » ! Privilégiez un trait d’esprit, une petite histoire, une anecdote simple. Cela détend et vous reprenez ensuite. Et on appréciera votre sens de l’humour fin et élégant !
En apprenant à agir ainsi, peu à peu, vous ne laisserez plus certaines hormones parasiter votre cerveau et décider à votre place.
Vous reprenez votre vraie place de leader et vous construisez des relations autrement plus constructives, productives et épanouissantes !
Et vous, comment prenez-vous votre place de leader ?
Comment cela se passe quand vous perdez le contrôle ?
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